Dossier thématique Winckelmann

Exposition dossier du 22 au 30 novembre 2018 à la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art

Winckelmann et l’histoire de l’art antique
> Winckelmann et la tradition antiquaire
> Rome antique et moderne au XVIIIe siècle
> La vie de Winckelmann
> L’Histoire de l'art antique et sa diffusion en France
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Document n°8 - Giambattista Piranesi (1720-1778)

Le Antichità Romane di Giambattista Piranesi Architetto Veneziano, Tomo secondo contenente gli avanzi de’ monumenti sepolcrali di Roma e dell’agro romano. Tomo terzo avec le même titre.

Rome, nella stamperia dfi Angelo Rotilj, nel Palazzo di Massimi. Si vendono in Roma dai Signori Bouchard, e gravier Mercanti…, 1756

Bibliothèque de l’INHA, cote Pl Res 13 (2-3)

exemplaire numérisé d’une autre bibliothèque

Branching

Reliure en mi-cuir marbré, dos avec faux nerfs dorés et fleurons, pièce de titre, auteur et tomaison dorés 2 volumes in-fol (54 x 41 cm chacun) Ex-libris doré sur cuir collé au dos du plat de reliure : armes à la devise de l’ordre de la Jarretière “Honi soit qui mal y pense” de George Granville Sutherland-Leveson-Gower (1786-1861), deuxième duc de Sutherland.


Vénitien, Giovan Battista Piranesi (1720-1778) a été un architecte, dessinateur et graveur hors pair. Il apprit la technique de la gravure sur cuivre chez Giuseppe Vasi (1710-1782), à Rome, où il arriva en 1740. Il se lia alors d’amitié avec les artistes de l’Académie de France et devint rapidement célèbre dans le milieu du Grand Tour pour ses planches illustrant les monuments en ruine. Ses reconstitutions, son recueil visionnaire des Prisons (Carceri d’invenzione, 1761 ; première édition, 1750) et ses extraordinaires projets de cheminées et de vases (Diverse maniere d’adornare i Cammini ed ogni altra parte degli edifizj desunte dall’architettura egizia, etrusca, e greca con un Ragionamento apologetico in difesa dell’architettura egizia, e toscana, 1769 ; Vasi Candelabri Cippi Sarcofagi Tripodi Lucerne ed Ornamenti antichi, 1778) lui valurent une grande renommée parmi les voyageurs britanniques, lesquels devinrent ses clients les plus fidèles. Avec Francesco de’ Ficoroni (n°3), Piranèse fut un des premiers à soutenir l’importance et la grandeur de l’art romain (Della Magnificenza ed Architettura de’ Romani, 1761). Et comme son aîné, il adopta toujours des positions fermes dans les débats suscitant de la sorte de vives polémiques. Tel fut le cas avec Pierre-Jean Mariette (1694-1774), défenseur de la primauté de l’art grec (Osservazioni di Gio. Battista Piranesi sopra la Lettre de M. Mariette aux auteurs de la « Gazette Littéraire de l’Europe », 1754), dont le débat suscita des échos bien au-delà des Alpes. Piranèse réalisa aussi des fouilles archéologiques et fut un bon connaisseur de l’art antique au point que, à la mort de Winckelmann, certains pensèrent à lui comme successeur dans sa charge de préfet des antiquités (lettre d’A. R. Mengs du 19 juillet 1768, dans von Einem 1973, p. 44, n° 6).

Les quatre volumes in-folio des Antichità Romane parurent entre 1756 et 1757. Dans ces 262 planches, l’artiste-antiquaire présente les monuments antiques tels qu’ils étaient en ce milieu du XVIIIe siècle. Les tomes II et III traitent des tombeaux et font état des résultats de fouilles exécutées dans les premières décennies du XVIIIe siècle et déjà publiées en partie. On y trouve d’abord une image de ces monuments tels qu’on les apercevait de l’extérieur. Puis, le plan, les relevés et les coupes précèdent la présentation des trouvailles selon une mise en scène très originale, où l’objet archéologique - relief, urne, stuc, mosaïque, vase, inscription ou objet en bronze - s’anime d’une vie propre grâce à un travail exceptionnel sur la lumière et les ombres. Les objets trouvés dans les fouilles sont en effet disposés sur des espèces de présentoirs comme s’il s’agissait de natures mortes. Des légendes détaillées permettent d’identifier chacune des pièces et de les replacer à l’intérieur du lieu où elles avaient été retrouvées et où parfois elles se trouvaient encore. Dans ce travail de longue haleine, qui dura sept ans, Piranèse fut épaulé par Mgr Bottari (1689-1775), le brillant bibliothécaire du cardinal Corsini, et aidé par le peintre français Jean Barbault (1718-1762), qui signe certaines planches. « Les gravures de Piranèse - écrit Alain Schnapp (2017) - agrandissent ou réduisent à plaisir les monuments, elles jouent de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, elles tordent les perspectives et modulent les premiers plans comme si le graveur, conscient de ses effets, ployait les monuments à son propre plaisir pour les faire parler à sa place. »

L’un des fils de Giambattista, Francesco (1756-1810), réédita le recueil des Antichità Romane une première fois en 1784 avec dédicace à Gustave III, roi de Suède, et à nouveau en 1787. Les exemplaires de la bibliothèque de l’INHA portent l’ex-libris du deuxième duc de Sutherland, qui fut un grand amateur de livres et l’un des cinq fondateurs du très exclusif Roxburghe Club en 1812 (voir aussi n°1 et 7). Son père avait été un grand collectionneur et l’homme le plus riche du Royaume-Uni.

DG

Biblio. : Battaglia 1996 ; Kantor-Kazovsky 2006 ; Mariani 2014 ; Gallo 2018.